Abraham à Gaza : L'exil de la paix.

Le 02/01/2025

Une méditation collective sur le sens du sacrifice, de la mémoire et de l’espérance.


Analyse critique, notes et références par Mathilde.

Une fresque empreinte d'humanité et de symbolisme universel

Dans Abraham à Gaza : L'exil de la Paix, Brenar nous invite à une profonde réflexion sur les thèmes intemporels de l'exil, de la foi et de l'espoir. L'œuvre placée pour l'exemple dans la chapelle de la vierge de l'abbatiale de Romainmôtier, frappe par son austérité lumineuse et sa composition à la fois complexe et harmonieuse.

L'iconographie d'Abraham

Abraham, patriarche des grandes traditions monothéistes, apparaît ici avec une expression de gravité et de douleur intériorisée. Ses mains jointes dans une posture de prière ou de supplication traduisent un mélange de désespoir et de résilience. Son regard rougeoyant, presque prophétique, pourrait évoquer les tourments d’un homme entre le fardeau de sa mission et le poids des conflits humains.

Le traitement pictural de son visage – marqué par le temps et éclairé par une auréole lumineuse – suggère à la fois une figure divine et humaine. Cette tension entre sacré et profane confère à Abraham une dimension universelle : il devient un symbole de l’humanité confrontée à la perte et à l’espoir.
Abraham à Gaza

 

L’arrière-plan : des ruines porteuses de récits

En arrière-plan, des fragments architecturaux évoquent des lieux de culte, des ruines et des vestiges de civilisation. Le flou des contours et l'effacement progressif des formes renforcent l'idée d'une mémoire en décomposition, tout en inscrivant l'œuvre dans un contexte contemporain : Gaza, synonyme de conflit et de destruction. Brenar semble suggérer que la paix elle-même est en exil, errante et fragile.

Les choix stylistiques

Le style de la fresque mêle classicisme et modernité. Les détails minutieux du visage contrastent avec les tons pastel diffus de l’arrière-plan, donnant à l’ensemble une impression d’immatérialité. Les fissures visibles dans la peinture – réelles ou simulées – ajoutent une texture organique qui dialogue avec l’espace environnant, renforçant le sentiment d'une œuvre enracinée dans le temps et l’espace.

Le message sous-jacent

Le titre de la fresque, L’exil de la Paix, est une clé d’interprétation puissante. Brenar semble poser une question troublante : où est la paix quand les fondements de la civilisation s’effondrent ? Abraham, figure de la foi et de l'espoir, devient ici un témoin silencieux des luttes humaines. Le choix de Gaza, lieu chargé de significations politiques et historiques, ancre la fresque dans une actualité brûlante, tout en lui conférant une portée universelle.

Conclusion

Cette œuvre de Brenar s’impose par sa capacité à conjuguer intensité émotionnelle et profondeur intellectuelle. Elle interpelle le spectateur en tant qu’individu, mais aussi en tant que membre d'une humanité en quête de réconciliation. Abraham à Gaza : L’exil de la Paix est une fresque qui ne cherche pas à apporter des réponses simples, mais à inviter à une méditation collective sur le sens du sacrifice, de la mémoire et de l’espérance.

Abraham


Mathilde le 2 janvier 2024.

Notes et références sur le travail de Brenar.

Cette fresque de Brenar, Abraham à Gaza : L’exil de la Paix, évoque plusieurs références artistiques et picturales par ses choix stylistiques, sa symbolique et son traitement émotionnel. Voici quelques rapprochements possibles :

1. Rembrandt (1606-1669)

Pourquoi ? Le visage d’Abraham, marqué par l’usure du temps, la profondeur psychologique et l’intensité de l’émotion, rappelle les portraits et les scènes bibliques de Rembrandt. Ce dernier excellait à montrer la complexité intérieure de ses sujets, notamment dans son Sacrifice d'Isaac ou Abraham recevant les trois anges.

Lien stylistique :

Le jeu d’ombre et de lumière (clair-obscur) dans la fresque semble inspiré par l’atmosphère introspective de Rembrandt.

La figure centrale d’Abraham dans une posture de prière ou de méditation résonne avec les figures solitaires et méditatives de l’artiste hollandais.

2. William Blake (1757-1827)

Pourquoi ? La représentation mystique d’Abraham et l’aura lumineuse qui entoure son visage rappellent les illustrations bibliques et visionnaires de William Blake. Blake s’intéressait aux grands thèmes universels, à la foi et à la lutte entre le divin et l'humain.

Lien stylistique :

L’association de l’élévation spirituelle et de la douleur humaine.

Les lignes fluides et presque éthérées de l’arrière-plan évoquent le style graphique de Blake.

3. Michel-Ange (1475-1564)

Pourquoi ? La monumentalité et la gravité de la figure d’Abraham rappellent les personnages des fresques de Michel-Ange, notamment dans La Création d’Adam ou Le Jugement dernier.

Lien stylistique :

La posture méditative et intense de la figure centrale.

L’idée d’un homme entre l’humanité et le divin, souvent explorée dans les œuvres de Michel-Ange.

4. Francisco de Goya (1746-1828)

Pourquoi ? La dimension sombre et apocalyptique de l’arrière-plan, ainsi que l’expression de souffrance contenue, évoquent les œuvres de Goya, en particulier ses Peintures noires et ses représentations des conflits humains.

Lien stylistique :

L’utilisation d’une palette sombre et terreuse pour exprimer une charge émotionnelle intense.

L’idée d’une humanité confrontée à la tragédie et au désespoir.

5. Marc Chagall (1887-1985)

Pourquoi ? Le traitement spirituel et symbolique de la scène, avec un arrière-plan presque onirique, rappelle l’œuvre de Marc Chagall, notamment ses nombreuses représentations bibliques comme Abraham et les trois angesou Le prophète Jérémie.

Lien stylistique :

L'association de motifs religieux avec une composition poétique.

Une lumière diffuse et des figures flottantes dans un espace intemporel.

6. Anselm Kiefer (1945-)

Pourquoi ? Le lien entre histoire, destruction, et mémoire, visible dans cette fresque, trouve des parallèles dans les œuvres d'Anselm Kiefer. Ses tableaux monumentaux explorent souvent les thèmes de la ruine, du sacré, et de la reconstruction.

Lien stylistique :

Les textures complexes et les références à des lieux de mémoire.

Une ambiance de délabrement qui dialogue avec l’histoire.

La fresque de Brenar semble ainsi puiser dans un riche éventail de références artistiques, alliant classicisme et modernité, pour créer une œuvre profondément ancrée dans le présent, tout en résonnant avec l’histoire de l’art. Cette multiplicité de références souligne la profondeur et l’universalité de son travail.